Baba MAHAMAT

Interview, Cédric Ouanekpone:«En tant que jeune, donner l’exemple est la première chose à faire»

Il fait parti des rares jeunes centrafricains à avoir un regard objectif sur les tragiques événements du pays. Son nom est Cédric Ouanekpone, leader des jeunes, apolitique et fervent croyant, il nous livre ici son analyse de la crise

Cédric Ouanekpone(Photo crédit: Facebook)
Cédric Ouanekpone(Photo crédit: Facebook)

Peux-tu te présenter ?

Je m’appelle Cédric Patrick Le Grand OUANEKPONE, Je suis né le 08 mars 1986 à Bangui, j’ai actuellement  28 ans. Je réside à Fatima dans le 6ème arrondissement de Bangui. Je suis étudiant en 7ème année de médecine à la faculté des sciences de la santé (FACSS) de l’université de Bangui. Je suis également le président du Club RFI Bangui FONONON qui est une association culturelle et éducative en milieu jeune. J’ai fondé également  en 2007 l’UASCA (Union des Anciens Séminaristes Carmes) qui est une association réunissant des jeunes anciens séminaristes autour des valeurs humaines. Je suis enfin co-fondateur et vice président des ONG JFDDH (Jeunes et Femmes pour le Développement et les Droits de l’Homme) et FEED (Femmes et Enfants pour l’Environnement et le Développement).

La République centrafricaine traverse depuis plusieurs mois, exactement le 12 décembre 2012, une tragédie, quelles sont, selon vous, les causes profondes de cette crise qui est loin d’être terminée ?

Permettez-moi tout d’abord de saluer la mémoire de tous ceux et celles qui ont perdu la vie ou le sens de leur vie dans cette indescriptible tragédie que les mots ne sont pas assez forts pour condamner. Les causes profondes de cette tragédie sont légion et réelles, même les experts ne sauraient donner une liste exhaustive. A mon humble avis, tout cela est parti d’un conflit structurel. En effet, une partie du territoire a été pendant longtemps délaissée, abandonnée à la merci des prédateurs de tout genre par les pouvoirs qui se sont succédés à la tête du pays avec en toile de fond la pauvreté et le sous-développement. Manque d’écoles, d’infrastructures routières, de cadres (enseignants, médecins…) dans certaines parties du pays est une bien triste réalité que personne ne peut nier tout comme la gestion clanique auréolée de népotisme, de corruption et de gabegie des régimes antérieurs. Seulement, fallait-il nécessairement toute cette foudre de violence pour revendiquer ces droits ? Et pire encore à des gens qui sont tout aussi victimes que les autres ? A cela, j’ajouterai la perte du sens du patriotisme, la médiocrité et l’égoïsme  des hommes politiques centrafricains qui se font manipuler et assujettir  par tour de bras, le mercenariat, l’impunité, l’analphabétisme, la perte de la culture du mérite et le manque d’un dialogue sincère qui a permis à la haine de s’accumuler dans les cœurs pour finir par s’exploser avec tous les impacts que nous connaissons aujourd’hui. Je ne parlerai pas de l’immensité de nos richesses qui suscite bien des convoitises des spoliateurs et prédateurs qui ont tout intérêt à ce que nous nous divisons, nous nous entre-tuons leur permettant ainsi de tirer leur épingle du jeu…

Je n’en parle pas parce que c’est à nous de leur dire non car comme disait Martin Luther King : « Nous devons apprendre à vivre ensemble comme des frères, sinon, nous allons mourir ensemble comme des idiots ».

Toi qui es chrétien, que dis-tu aux personnes qui continuent de clamer haut et fort qu’il s’agit d’un conflit inter-communautaire en Centrafrique?

C’est archi faux. J’ai beaucoup de respect pour les médias car j’ai toujours considéré cela comme le meilleur métier du monde. Malheureusement, j’ai été horriblement choqué par cette campagne médiatique autour d’un prétendu conflit interreligieux qui a fini par devenir un endoctrinement pour la majorité analphabète du pays. Je comprends que la RCA a toujours été méconnue du reste du monde depuis l’empereur BOKASSA, méconnue même de la plupart des journalistes qui sont arrivés pendant la crise et je sais aussi que parler de la crise de cette manière tout comme parler du pré-génocide est peut être l’un des moyens forts pour attirer l’attention et obtenir des résolutions. Mais tout cela a été fait dans le grand mépris des valeurs et réalités centrafricaines, cela ne signifie pas que je veux ignorer les crimes et massacres inacceptables, odieux et déshumanisants que nous avons connus.

Je crois simplement qu’un vrai musulman comme ceux que j’ai connus ne peuvent pas toucher à un seul cheveu d’un chrétien et vice versa. Ce n’est pas parce que quelqu’un est muni d’une croix ou d’un chapelet qu’il a dérobé quelque part qu’on doit conclure qu’il est chrétien ou musulman, même un aveu de sa part ne suffit pas et les leaders des communautés religieuses ont prouvé à suffisance qu’ils étaient unanimes et solidaires contre cette dérive.

Une chose que les gens oublient aussi c’est que théoriquement en RCA nul n’est athée ou animiste en dehors des autochtones (Pygmées) même si en réalité très peu de gens  pratiquent  réellement la foi en Dieu pour la simple raison que clamer son athéisme comme on le voit ailleurs est encore stigmatisant ici en général. Cette histoire de conflit interconfessionnel est ce qu’on veut nous faire croire, nous inculquer et nous faire faire tout comme on essaie de nous faire comprendre que la partition est la panacée aux problèmes de notre pays.

En tant que jeunes, qu’est-ce que tu as fait ou que tu comptes faire pour participer à la résolution de cette crise ?

En tant que jeune, donner l’exemple est la première chose à faire.

Dans notre situation actuelle, il n’y a plus de temps d’hésiter ni d’épiloguer mais il faut agir concrètement à chaque minute de chaque jour. Ne pas s’investir dans les manigances qui tendent à élargir le fossé et à éloigner la paix. Ne pas céder à la manipulation et à la corruption de l’innocence. Diffuser des ondes de paix autour de soi. J’ai d’abord mis ma connaissance médicale au service des patients dans les sites de déplacées sans discrimination même à la mosquée du KM5 (où j’ai accompagné à deux reprises une ONG musulmane, Miséricorde, pour consulter des malades et leur administrer des soins) et vous savez qu’en soignant vous écouter et vous communiquer aussi, une occasion souvent idéale d’envoyer des ondes de paix. Ensuite au niveau du Club RFI, j’ai organisé une session de formation sur « la participation de la jeunesse à la résolution pacifique des conflits » où une cinquantaine de jeunes responsables dans leur lycées et facultés ont bénéficié d’une formation sur la communication pacifique, la non violence, la vérité, la justice, le pardon et la réconciliation avec une phase pratique sur un site de déplacés internes. Au niveau du JFDDH, nous réaliserons dans les jours qui viennent un projet dénommé : « Les noyaux de paix » qui seront créés dans les arrondissements autour des chefs du quartier avec qui les jeunes et les femmes entretiendront des cellules de paix avec des activités concrètes… Au niveau de l’Église, dans ma paroisse Notre Dame de Fatima qui été terriblement attaquée fin mai, nous les jeunes avons produit un film sur la cohésion sociale entre chrétiens et musulmans dénommé «  la Colombe » qui sortira d’ici peu et dont j’ai eu l’honneur d’être le réalisateur. C’était un acte concret pour la paix car lors du tournage et des répétitions, les coups de feu nous accompagnaient et il fallait parfois se cacher autour d’une maison ou se plaquer au sol quelques minutes avant de reprendre. ..

Lors de la journée Internationale des Réfugiés le 20 juin dernier, votre association le Club RFI Bangui FONONON a organisé en collaboration avec ses partenaires, une manifestation culturelle qui a vu la participation de centaines d’élèves et d’étudiants, quels ont été les partenaires ? Et quels messages voulais-tu faire passer?

Il s’agit d’un concours de création artistique (dessins, textes, poèmes…) que nous avions organisé le 20 juin dernier en partenariat avec le Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (UNHCR) à l’occasion de la journée mondiale des réfugiés autour du thème : « Une seule famille déchirée par la guerre, c’est déjà trop ». Les messages étaient simples. D’abord, permettre aux jeunes élèves et étudiants de compatir et de témoigner leur soutien aux réfugiés et déplacés prouvant ainsi que la jeunesse n’est pas insensible à leur douleur. Ce qui n’est pas faux car 2 participants sur 3 des 212 candidats étaient eux aussi des déplacés ou des réfugiés, du moins ils  l’ont été quelques mois plus tôt. Ensuite pousser les jeunes à réfléchir sur comment tout cela est arrivé et comment faire pour que cette tragédie ne se répète plus.

Cédric Ouanekpone lors de son discours du 20 juin 2014
Cédric Ouanekpone lors de son discours du 20 juin 2014

A travers leurs récits pittoresques et combien émouvants ainsi que leurs images palpitantes, les jeunes nous ont prouvé ce jour-là qu’ils sont au rendez-vous et qu’il ya une petite raison de garder espoir. J’ai été très satisfait et encouragé.

En tant que jeune qui a beaucoup milité dans les associations, pense-tu que la jeunesse centrafricaine est-elle manipulée  dans ce conflit? Si oui, quels conseils donnes-tu  à ces jeunes?

Oui, il est clair net et limpide que la jeunesse a été manipulée, instrumentalisée au service des intérêts égoïstes. J’ai été très malheureux de voir combien les gens ont osé profiter de l’ignorance et de la misère d’une jeunesse sans défense et abandonnée à elle-même, sans repère ni modèle à suivre.

Il ne faut pas aussi minimiser la colère et la haine de ces jeunes qui ont voulu coûte que coûte venger parce qu’ils ne savaient pas pourquoi on leur voulait tant alors qu’ils étaient aussi que des victimes. Je dirai à la jeunesse centrafricaine de se ressaisir, d’identifier ses forces et de recenser ses faiblesses pour y travailler et aller de l’avant car l’avenir du pays ne dépend que de nous. Ne soyons pas candides car personne ne nous sauvera de cette situation si ce n’est nous-mêmes et nous avons déjà expérimenté combien les forces manipulatrices sont incapables de sécréter le bonheur. La faiblesse patente des forces internationales présentes dans le pays nous le confirme suffisamment. Nous ne sommes pas différents des autres jeunes du monde, ils nous dépassent certainement en moyens et en possibilités mais à leur différence nous ne sommes pas nés dans un pays où on a déjà tout construit. Cela veut dire que nous avons l’immense chance de construire notre pays à notre manière de telle sorte que les générations futures se souviennent à jamais de nous comme eux se souviennent de leurs ancêtres. Allons-nous laisser cette chance nous échapper ? Si la réponse est non alors formons-nous, cultivons la solidarité qui a tant manqué à nos pères qui ont lamentablement échoué. Retroussons nos manches  et allons de mains calleuses en mains calleuses  vers la réalisation de cette aspiration profonde au bonheur et au développement humain intégral qui est ancrée en nous tous.

Quelles sont les critères pour être un bon leader ?

Je ne saurais le dire avec exactitude. De mon humble expérience en milieu jeune, je crois qu’il faut tout d’abord être exemplaire. Les jeunes ont besoin de croire et de suivre celui qui fait ce qu’il dit, qui donne l’exemple, qui est crédible, qui prend des initiatives lorsque tout est bloqué et qui agit là où beaucoup préféreraient s’abstenir. Il y a dans cet « être exemplaire » un mélange d’honnêteté, de créativité, de détermination et de renoncement. Ensuite, un bon leader doit savoir être proche des autres, les comprendre et surtout les écouter notamment lorsque son point de vue diverge du leurs.

J’ai toujours apprécié cette définition d’un jeune d’Afrique australe reprise il y a quelques années par Barack OBAMA : « Si tes actions inspirent les autres à rêver davantage, à faire davantage et à se dépasser davantage alors tu es un leader ».

Qu’est-ce que les jeunes peuvent faire pour changer le monde actuel caractérisé par les tueries, les guerres, la mauvaise gouvernance, la dictature, l’analphabétisme, le chômage endémique, …

La première chose c’est de prendre conscience et de  bien se former car sans formation ni professionnalisme, rien ne peut changer. En effet, l’amateurisme est pour beaucoup dans la plupart des échecs du moment surtout dans les pays en voie de développement. Ensuite, les jeunes doivent se réapproprier la valeur de l’être humain qui doit être au centre de toute décision et de toute action. Le déclin du monde d’aujourd’hui est dû aux calculs d’intérêts, géostratégiques et à l’appât du gain. La dignité, le respect de la personne ainsi que le développement humain intégral sont sacrifiés au profit des avancées économiques et des intérêts lugubres quitte à bouleverser la quiétude de la planète. C’est là où nous les jeunes d’aujourd’hui devons proposer des alternatives concrètes.

Quel est le dirigeant du monde pour lequel tu veux ressembler ?

Nelson MANDELA sans aucun doute ! En effet, Madiba est pour moi le meilleur dirigeant que le monde en général et l’Afrique en particulier ont connu. En effet, il a su transcender les considérations personnelles, égoïstes, claniques et vindicatives que tout le monde aurait jugé légitimes pour ne faire valoir que l’intérêt national même si en le faisant il a dû consentir encore plus de sacrifices au-delà de ce qu’il a déjà subi. Il a prouvé à suffisance que tout le monde n’a toujours pas raison et qu’on a le droit de voir les choses différemment pourvu que l’intérêt d’un plus grand nombre possible compte. En quittant le monde le 05 décembre 2013, une journée particulière pour la Centrafrique, j’ai toujours eu la forte conviction qu’il veut nous léguer un héritage et qu’il nous faut un MANDELA à la centrafricaine, une « madibalisation » des esprits et des cœurs.

Quels sont les cinq (5) mots qui peuvent mieux te qualifier ?

Je ne le sais pas. Mais comme Je sais que ces cinq mots ne vous convaincrons  pas, alors je me livre au fastidieux exercice de te proposer  humblement les cinq mots qui traduisent les valeurs auxquelles j’aspire profondément, au risque de me déifier : Honnêteté, Audace, Altruisme, Discrétion, Indépendance.

–   Quels sont tes projets d’avenir (immédiat, à long terme et à moyen terme) :

Ils sont très nombreux. Immédiatement, je compte achever mes longues mais passionnantes études médicales qui absorbent une bonne partie de mon temps et si possible avec une spécialisation. Je compte aussi achever le travail de formation de la relève au niveau de mes associations car je travaille avec beaucoup de jeunes pleins de bonne volonté qui continuent d’apprendre et mon rêve est de les voir d’ici quelques mois et années  prendre la relève efficacement car une des choses qui a tué notre pays est que les leaders ne préparent jamais de relève liant les institutions à leur personne. Dès qu’ils meurent, c’est le désastre…

A moyen terme, je compte renouer avec l’écriture qui a toujours été pour moi une passion que j’ai dû mettre en veilleuse à cause des études et toutes les autres charges associatives. Le début dans le cinéma en tant que réalisateur me tente aussi de progresser un peu dans le domaine si les possibilités le permettent.

A long terme, je pense ouvrir un centre d’expertise pour l’accompagnement des structures des jeunes. J’aimerai aussi ouvrir un grand complexe de formation de qualité pour les jeunes filles et garçons avec internat et centre hospitalier pour les pauvres.


Mon expérience en tant que journaliste citoyen à la conférence Fin4Ag14 à Nairobi

Reporters sociaux de la conférence Fin4Ag14 en salle(Photo crédit: Lorento Khen)
Reporters sociaux de la conférence Fin4Ag14 en salle(Photo crédit: Lorento Khen)

C’est avec beaucoup d’enthousiasme que j’ai pris part à ma première expérience en tant que journaliste citoyen d’une conférence internationale. Chaque jour qui passait m’approchait de cette rencontre et mon impatience s’agrandissait. Les travaux en amont qui avaient commencé plusieurs jours avant la rencontre, avec les débats ainsi que des échanges autour de la conférence étaient animés nous préparant à la conférence. J’avais vraiment hâte de me rendre à Nairobi afin de contribuer à la réussite de cet important événement ainsi que faire la connaissance de nouvelles personnes.

Originaires de Fidji, Guyana, Belize, Zimbabwe, Zambie, Bénin, Sénégal, Cameroun, République Centrafricaine, Kenya, Trinité-et-Tobago, Madagascar, Burkina Faso, Papouasie-Nouvelle-Guinée, Nigeria et Malawi, nous avons été choisis par le CTA en raison de notre intérêt pour l’agriculture, le développement rural et leurs connaissances des médias sociaux.

Les Jeunes reporters a la FIN'Ag14(Photo crédit: Housseini)
Les Jeunes reporters a la FIN’Ag14(Photo crédit: Housseini)

La conférence sur le thème : « Révolutionner le financement des chaînes de valeur agricoles » qu’avaient organisé la CTA et ses partenaires est un véritable tremplin pour les acteurs du monde agricole. C’est tout d’abord un grand rendez-vous que se sont donnés ces acteurs qui ont tous un mot en commun, l’agriculture. La mise en œuvre de cette conférence doit permettre de trouver des solutions à travers des réflexions que mènent les différents participants, aussi bien les organisateurs, les intervenants, les invités que les différents reporters, …à travers des sessions de discussions. Si la plupart des pays s’accordent à dire que l’agriculture est un domaine qui nécessite un financement conséquent, il y a matière à se poser de question quant au financement des chaines de valeurs et des petits agriculteurs.

Comme les quatorze autres jeunes reporters sélectionnés pour participer sur place à Nairobi et une centaine d’autres jeunes reporters en ligne, j’ai eu la chance de participer à cette grande conférence dont les atouts sont indéniables. D’abord, cette expérience est unique en son genre et trouve sa richesse dans les débats et les échanges menés au sein du groupe, la capacité de réflexion des jeunes engagés dans la promotion de l’agriculture ainsi que leur implication aux problèmes de développement de l’agriculture au sein de leur pays/communauté sans oublier la pertinence des points de vue de chaque participant. J’ai pu apprécier cette début d’expérience qui m’a fourni que des avantages et m’a permis d’accroitre mon engagement dans la promotion de l’agriculture en donnant le meilleur de moi-même pour la réussite de ce grand rendez-vous. J’ai appris quasiment chaque jour des autres reporters ainsi que de l’équipe de coordination.

Les reporters francophones à la Fin4Ag14(Photo crédit: Harrison)
Les reporters francophones à la Fin4Ag14(Photo crédit: Harrison)

Plus qu’un simple rédacteur et/ou promoteur de Tweetts et de messages Facebook ainsi que d’articles, ma vision de mon rôle a complètement changé avec des taches aussi intéressantes qui m’ont été assignées. J’ai pu découvrir au fur et à mesure, qu’il existe véritablement des opportunités dans ce travail qui offre plus de satisfaction. Apprendre aussi de chaque personne, faire de nouvelle connaissance, côtoyer de nouvelles personnalités, discuter avec des ressortissants de différents pays sur des problèmes liés à l’agriculture m’a beaucoup apporté. J’ai pu me rendre compte à travers ces échanges que, malgré quelques différences près, la plupart des pays ACP ont les mêmes réalités dans ce domaine. L’agriculture est un domaine qui doit être promu, il est le socle même du développement et il est regrettable de constater qu’il n’y ait véritablement pas de politique de promotion de financement afin que les résultats des récoltes permettent une autosuffisance alimentaire.

A noter que lors de cette conférence, les lauréats du prix YoBloCo Awards! organisé annuellement par le projet ARDYIS de la CTA ont été récompensés. Le père spirituel de Mondoblog Philippe Couve, l’un des membres du jury de ce prix avait annoncé les noms des gagnants au public.

Philippe Couve et Baba Mahamat à la Fin4Ag14
Philippe Couve et Baba Mahamat à la Fin4Ag14(Photo credit: Ariel Djoko)

Cette collaboration n’a été possible que grâce à la coordination de l’équipe des reporters qui a mis tous les outils à notre disposition. J’ai pu me familiariser avec de nouveaux outils notamment de collaboration avec Google, l’utilisation de Flicker, …. Ce travail de reportage social a réveillé en moi de nouvelles perspectives, celles de m’orienter dans le monde de la communication et du rapportage.
Ces nouvelles expériences acquises viennent consolider mon expérience de blogueur et m’offre une nouvelle forme d’expression et de collaboration. Je tiens à témoigner ma reconnaissance à la CTA les partenaires de la conférence qui ont permis à des jeunes comme nous de nous exprimer et de montrer ce à quoi nous sommes capables. Le fait de nous associer, comme jeunes reporters à la conférence Fin4ag est une chance dont chacun de nous, doit se l’approprier en donnant le meilleur de lui-même.
Liste des journalistes citoyens sur site ici
Site de la conférence #Fin4Ag14 ici


Centrafrique : que s’est-il passé à Bossemptele le 18 janvier 2014?

Le vendredi 25 avril, je devrais aller rencontrer un prêtre togolais qui venait de Bossomptele, une ville située à un peu plus de 250 Kilomètres de Bangui, la capitale centrafricaine. Sous un soleil aplomb, vers 15h, je savais que l’essentiel de nos conversions devrait tourner autour de ce qui se passe en Centrafrique mais je ne m’attendais pas à un récit aussi cruel. Il était à Douala pour ramener un container appartenant à l’unique hôpital opérationnel dans la ville de Bossomptele d’un peu plus de 11 000 personnes. Il s’agit de l’hôpital Jean Paul II opérationnel depuis 2011. Ce billet retrace notre conversation qu’il a bien voulu que je publie.

Le Père Bernard fait parti d’une communauté pour laquelle j’ai eu à intervenir comme consultant à un moment donné. Ce lien qui nous unit depuis 2010 a continué, même après voyage au Cameroun pour mes études universitaires. Sa visite à Douala pour ramener un container appartenant à l’hôpital dont il est le directeur, a été une occasion pour moi de m’enquérir de la situation de la ville de Bossemptele.  Mais grande a été ma surprise en écoutant ses témoignages. Il avait commencé par m’expliquer les difficiles médiations qui avaient lieu, avec aussi bien les responsables des Antibalaka (milice armée souvent de machettes mais aussi des armes qui règnent en maitre dans certaines villes dont Bangui avec cruauté) que ceux de la Seleka(coalition rebelle dont le chef Michel Djotodjia a pris le pouvoir en mars 2013, se caractérisant par des exactions sans précédente, des meurtres, des cas de viols, …). Mais ces médiations ont accouché de la souris. Les deux antagonistes n’entendaient pas en rester là. Chaque côté restait figé sur sa position.

La violence s’est imposée aux deux camps. Le dialogue a été rompu. Les différentes personnalités religieuses de cette petite métropole comme le père Bernard, un pasteur (qui, malheureusement a été tué, après avoir reçu une balle suite à une altercation entre la Misca de passage à Bossomptele et les caciques des antibalaka) et un imam, qui avec la complexité de la situation assuraient la médiation avaient ressenti ce manque de volonté des antagonistes  refusant de revenir à de bons sentiments afin d’épargner à la population civile une violence inutile. La Misca, alerté par les religieux sur une possible et imminente confrontation entre les deux camps n’a pas répondu favorablement à l’appel au cri de cœur lancé par ces représentants religieux. Cause : manque de logistique et d’effectifs.

Le 18 janvier 2014, tôt le matin, un chef des rebelles Seleka venu de Bangui, lourdement armé avec des renforts a donné l’ordre d’attaquer  les positions des Antibalaka se trouvant sur l’axe Bossemptele- Bozoum. La riposte a commencé de l’autre côté et la confrontation qui jusqu’à là, pouvait être évitée devient inévitable. Ce jour était triste pour cette  petite conglomération où s’entassent environ 11 000 personnes en symbiose. La division s’est installée et les victimes se font compter par dizaines. Rien que le 18 janvier, selon Père Bernard qui a pu avec sa communauté et quelques personnes de bonne volonté travaillant à la-croix-rouge, ramasser plus de 80 corps sans vie, essentiellement des musulmans peuls selon le prélat. Mais, le bilan était bien plus lourd car certains quartiers restés inaccessibles à cause de la violence, comptaient aussi des victimes. Les éléments de la Seleka ont dû quitter cette ville en regagnant des villes telles que Batangafo, Sibut ou Kaga Bandoro plus au Nord. Mais les quelques rares autochtones musulmans qui étaient encore restés à Bossemptélé, certainement des malchanceux n’ayant pas véritablement de liens avec la Seleka sont piégés et ont trouvé comme seule refuge les locaux des religieux de la communauté carmélite de Bossomptele.

Ils étaient un millier selon le prêtre. Des blessés, il y en eu et ils étaient transportés dans les poussettes pour des soins à l’hôpital Jean Paul II. Des check points sont installés à chaque ruelle par élements des antibalaka et les franchir était presqu’une mission impossible. Mais secourir ces personnes était une nécessité. Parfois, les blessés étaient enveloppés dans des draps pour donner impression à des morts. Fait paradoxal mais ayant retiré l’attention du Père Bernard, un des chefs antibalaka  de Baossomptele est le fils d’un imam de la ville. Cette progéniture qui n’a fait qu’attirer déshonneur et désolation au sein de la famille toute sa vie a quand même épargnait la destruction des biens familiaux. Mais malgré le mal qu’on disait de lui, il avait parfois imposer son veto dans les check points pour laisser passer les blessés musulmans menacés d’exécution par les radicaux antibalaka.

Dans une ville où l’Etat a disparu bien avant même ce triste événement du 18 janvier, les prêtres carmes de Bossemptele se sont  constitués en négociateurs, un travail bien difficile en ces temps, souvent au prix de leur vie comme nous l’a confié Père Bernard « Par deux reprises, j’ai failli être tué. Mais Dieu était avec moi. La première fois, quand j’étais allé pour rencontrer un groupe antibalaka sur l’axe Bozoum à une quarantaine de kilomètre, j’ai été pris à parti par les radicaux qui voulaient s’en prendre à moi. Ils étaient catégoriques, ils ne voulaient pas de dialogue avec les Selekas. Il a fallu que je les amené sur un autre terrain, celui humanitaire en les demandant s’ils ne possédaient pas de blessés. J’ai d’abord cherché à gagner leur confiance avant de passer au point sensible. Ce qui a marché ce jour mais les jours précédents l’attaque du 18 janvier, les choses ont été plus compliquées».

Il continue à ces termes : « Et puis il y a eu ce jour où un chef antibalaka m’a menacé avec une grenade en m’accusant de cacher les musulmans ». Il racontait qu’une fois, ils ont fait exfiltrer un jeune musulman, vendeur de crédit qui s’était refugié dans leur communauté. L’homme était obligé de s’habiller en femme afin de sortir profiter d’une occasion de la Misca grâce à la négociation de son grand frère. Mais si pour ce jeune les choses se sont passées plutôt bien, cela n’a pas été le cas pour Mahamat Saleh, le chauffeur des sœurs catholiques. Lui, après l’avoir exfiltré la nuit, il s’était fait capturer par un premier groupe d’antibalaka qui l’a complètement dépouillé, ensuite un deuxième groupe qui l’avait fait prisonnier. Après rudes négociations, la rançon fixée à 3 000 000 de FCFA pour sa libération a été réduite à 100 000 FCFA (environ 152 euros). Récupéré par les prêtres comme un colis, il sera par la suite exfiltré vers le Cameroun où il réside actuellement ».

Actuellement, les musulmans se sont vidés de cette ville où ils ont passé pour certains toute leur vie. Ils ont perdus des souvenirs, des proches, des biens et leurs maisons, …mais sortir sain et sauf de cette enclave représente une terrible chance pour la plupart. Car, rester en vie après avoir subi cette violence est synonyme d’un retour à l’enfer. Beaucoup garderont des séquelles de cet enfer. Mais si la majoritaire s’appose pour le moment, à l’idée de repartir un jour dans cette ville, certains le conditionnent surtout au retour de la paix et de la sécurité, un retour qui n’est pas pour demain au vu du développement de la situation.


RCA, encore et toujours à la Une des médias

Il y a bien longtemps que cette fameuse question sur comment sommes-nous arrivés à cette situation m’a intrigué. Depuis plus de deux mois, jours et nuit, je ne cesse de me poser cette ultime question sans pour autant entrevoir de véritables réponses. En fait, la réponse est relative, car elle dépend de chaque Centrafricain vivant la crise. Progressivement, je me suis fait cette idée, celle de comprendre que, peu importe la personne, il faut bien se garder en tête que sans l’implication des Centrafricains, tous les efforts seront vains.

La crise centrafricaine la plus médiatisée est loin de se faire oublier. Elle est là, et fera encore couler beaucoup d’encre. Une crise oubliée au départ a resurgi et tout le monde en parle grâce à une campagne importante médiatique. Le hic de tout cela est l’illusion que chaque observateur s’est faite en croyant à tort ou à raison que le juste fait de changer l’étiquette des forces internationales Misca (Mission internationale de soutien à la Centrafrique sous conduite africaine) à la place de la Fomac Force d’Afrique centrale) puisse changer la donne. L’intervention tant attendue de l’opération française Sangaris n’aura pas permis d’enrayer une spirale de violence sans précédent. Le passage du droit de violence de la Seleka aux milices anti-balaka aussi violentes et n’ayant aucun respect des droits fondamentaux de l’homme ne fera qu’envenimer une situation déjà très volatile depuis plus d’une année.


Centrafrique: la jeunesse doit être le levier du changement

Crédit: Frédéric Bisson (FlickR)
Crédit: Frédéric Bisson (FlickR)

« Nous avons toujours vécu en proximité, jeunes musulmans et chrétiens et nous le resterons toujours quoi qu’il en soit ». Telle est la phrase anecdote qui a alimenté une discussion sur ma page, discussion qui a motivé cet article. Les contributions de Arnaud Mboli Fatran, de Tiburce Yafondo et de Djamal Lamine ont été essentielles dans l’édition de ce billet qui retrace la vision de ces jeunes Centrafricains mais aussi leur apport quant à la résolution de ce conflit qui n’en finit pas malgré l’implication et la mobilisation de plus en plus croissante de la communauté nationale et internationale. Fruit de la collaboration de 4 jeunes dont deux chrétiens et deux musulmans, ce billet vient prouver que malgré ce drame, les jeunes veulent montrer aux yeux du monde qu’ils sont toujours unis et qu’ils peuvent parler de leur pays en faisant profil bas de leur différence religieuse.

  • Musulmans et Chrétiens ont toujours été des frères depuis des décennies. Il est d’autant plus difficile d’avoir une famille sans pour autant y voir le brassage de membres appartenant aux deux religions. Quels sont alors ces prévaricateurs spirituels qui veulent nous diviser se demande Djamal Lamine. Ce dernier voit mal la cause religieuse de cette crise qui secoue tout le pays. Pour lui, les politiques ont manipulé la crise en leur faveur.
  • Pour Tiburce Yafondo nous avons toujours eu des mariages mixtes musulman/chrétien célébrés en Centrafrique. Pendant des années, la cohabitation entre ces deux communautés n’a jamais été mise à rude épreuve. Mais aujourd’hui, à cause des intérêts politiques, la crise centrafricaine a été instrumentalisée de toute pièce afin de faire croire à l’une ou l’autre communauté qu’il y a des clivages.
  • Pour Arnaud Mboli Fatran, les actes commis aussi bien par les milices que par certaines parties de la population doivent nous interpeller et nous plonger dans de sérieuses réflexions quant au degré de violence qui prévaut dans notre pays. Le lynchage d’un élément des FACA (Forces des Armées Centrafricaines) accusé par ses coéquipiers d’appartenir à la Seleka montre qu’au delà de la gravité de la crise, il faut reconnaître que le suivi psychologique de la population est plus que jamais d’actualité. Ces événements viennent mettre en lumière le terrible changement de la population entre des régimes, dont ceux de François Bozize et les autres présidents, et celui de Michel Djotodia.  Le fait qu’un centrafricain n’ait plus peur de tuer, de décapiter ni de brûler son semblable doit conduire à se poser des questions et à trouver des réponses appropriées et durables pour ne plus retomber dans les mêmes erreurs qui nous poursuivent depuis des années.
  • Pour Baba Mahamat, il faut croire à une nouvelle société basée sur le changement comportemental de chaque centrafricain, même si nous sommes tombés très bas, même si la cohésion entre ces deux communautés est terriblement affectée à cause des exactions commises par des milices sur la population civile, même si les victimes se comptent par milliers, même si les cœurs sont brisés. Il faut croire que la situation ne demeurera pas inchangée. Oui, la croyance est la seule chose qui nous anime lorsque, nous avons tout perdu. Elle est la nourriture des pauvres. Il y a une prise de conscience réelle d’une partie de la jeunesse et de la population. Cette prise de conscience se manifeste à travers des discussions animées aussi bien physiquement que virtuellement. Cependant, ce n’est pas assez.Il y a beaucoup à faire. Le chemin est indiscutablement long. La jeunesse centrafricaine consciente n’est pas encore unie. Il y a beaucoup de velléités et de différends de la part de cette jeunesse qui doit être le levier du changement. La prise de conscience n’est pas effective du moment où nous continuons de recourir à des structures rappelant la géométrie classique. Nous croyons toujours à une organisation de la société de nature pyramidale, à agir de manière systématique et linéaire « une chose après l’autre ». Nous continuons à croire en un leader. Comme l’avait dit Rolland Marshall sur Kto : « La Centrafrique n’a pas besoin d’un leader providentiel ». Il faut rompre avec cette société archaïque dans laquelle le pouvoir est hiérarchisé et conduit à un rapport de force. L’organisation de la société centrafricaine est toujours symbolisée par la rigidité, la solidité et la force plutôt que la souplesse. Pour diriger, nous nous appuyons souvent sur la force avec une organisation sociale figée or le monde moderne est très complexe.Il est malheureux que notre pays continue à se développer sur le mode de l’affrontement, de l’expression de la puissance, des intérêts personnels, des dominations et des inégalités. Arrêtons de croire en un leader et évoluons vers une nouvelle société en formant un réseau compact au delà des égoïsmes traditionnels. Il faut faire naître une société altruiste qui privilégie l’intérêt commun et supérieur de la nation au détriment de l’intérêt personnel. Un rapport de flux rapprochant tous les centrafricains. Cela nécessite d’avoir accès en permanence à des informations contextuelles, sur l’échange et le partage de ces informations, c’est-à-dire l’adaptation et la solidarité, une relation avec les autres et son environnement.  A ces conditions citées ci-haut et ajouté à cela, les efforts de chaque centrafricain, la jeunesse centrafricaine, de la diaspora, de la Présidente, du premier ministre, des membres du gouvernement, des acteurs politiques, sociaux et religieux, grâce à l’appui de la communauté internationale, de l’ONU, de l’Union européenne, de la France, des pays frères, des partenaires internationaux, nous sortirons sûrement une fois pour toute de cette tragédie. Comme un peuple fort, nous nous relèverons même si les défis auxquels nous faisons face sont immenses, ils ne sont pas insurmontables.