Centrafrique: la jeunesse doit être le levier du changement

10 février 2014

Centrafrique: la jeunesse doit être le levier du changement

Crédit: Frédéric Bisson (FlickR)
Crédit: Frédéric Bisson (FlickR)

« Nous avons toujours vécu en proximité, jeunes musulmans et chrétiens et nous le resterons toujours quoi qu’il en soit ». Telle est la phrase anecdote qui a alimenté une discussion sur ma page, discussion qui a motivé cet article. Les contributions de Arnaud Mboli Fatran, de Tiburce Yafondo et de Djamal Lamine ont été essentielles dans l’édition de ce billet qui retrace la vision de ces jeunes Centrafricains mais aussi leur apport quant à la résolution de ce conflit qui n’en finit pas malgré l’implication et la mobilisation de plus en plus croissante de la communauté nationale et internationale. Fruit de la collaboration de 4 jeunes dont deux chrétiens et deux musulmans, ce billet vient prouver que malgré ce drame, les jeunes veulent montrer aux yeux du monde qu’ils sont toujours unis et qu’ils peuvent parler de leur pays en faisant profil bas de leur différence religieuse.

  • Musulmans et Chrétiens ont toujours été des frères depuis des décennies. Il est d’autant plus difficile d’avoir une famille sans pour autant y voir le brassage de membres appartenant aux deux religions. Quels sont alors ces prévaricateurs spirituels qui veulent nous diviser se demande Djamal Lamine. Ce dernier voit mal la cause religieuse de cette crise qui secoue tout le pays. Pour lui, les politiques ont manipulé la crise en leur faveur.
  • Pour Tiburce Yafondo nous avons toujours eu des mariages mixtes musulman/chrétien célébrés en Centrafrique. Pendant des années, la cohabitation entre ces deux communautés n’a jamais été mise à rude épreuve. Mais aujourd’hui, à cause des intérêts politiques, la crise centrafricaine a été instrumentalisée de toute pièce afin de faire croire à l’une ou l’autre communauté qu’il y a des clivages.
  • Pour Arnaud Mboli Fatran, les actes commis aussi bien par les milices que par certaines parties de la population doivent nous interpeller et nous plonger dans de sérieuses réflexions quant au degré de violence qui prévaut dans notre pays. Le lynchage d’un élément des FACA (Forces des Armées Centrafricaines) accusé par ses coéquipiers d’appartenir à la Seleka montre qu’au delà de la gravité de la crise, il faut reconnaître que le suivi psychologique de la population est plus que jamais d’actualité. Ces événements viennent mettre en lumière le terrible changement de la population entre des régimes, dont ceux de François Bozize et les autres présidents, et celui de Michel Djotodia.  Le fait qu’un centrafricain n’ait plus peur de tuer, de décapiter ni de brûler son semblable doit conduire à se poser des questions et à trouver des réponses appropriées et durables pour ne plus retomber dans les mêmes erreurs qui nous poursuivent depuis des années.
  • Pour Baba Mahamat, il faut croire à une nouvelle société basée sur le changement comportemental de chaque centrafricain, même si nous sommes tombés très bas, même si la cohésion entre ces deux communautés est terriblement affectée à cause des exactions commises par des milices sur la population civile, même si les victimes se comptent par milliers, même si les cœurs sont brisés. Il faut croire que la situation ne demeurera pas inchangée. Oui, la croyance est la seule chose qui nous anime lorsque, nous avons tout perdu. Elle est la nourriture des pauvres. Il y a une prise de conscience réelle d’une partie de la jeunesse et de la population. Cette prise de conscience se manifeste à travers des discussions animées aussi bien physiquement que virtuellement. Cependant, ce n’est pas assez.Il y a beaucoup à faire. Le chemin est indiscutablement long. La jeunesse centrafricaine consciente n’est pas encore unie. Il y a beaucoup de velléités et de différends de la part de cette jeunesse qui doit être le levier du changement. La prise de conscience n’est pas effective du moment où nous continuons de recourir à des structures rappelant la géométrie classique. Nous croyons toujours à une organisation de la société de nature pyramidale, à agir de manière systématique et linéaire « une chose après l’autre ». Nous continuons à croire en un leader. Comme l’avait dit Rolland Marshall sur Kto : « La Centrafrique n’a pas besoin d’un leader providentiel ». Il faut rompre avec cette société archaïque dans laquelle le pouvoir est hiérarchisé et conduit à un rapport de force. L’organisation de la société centrafricaine est toujours symbolisée par la rigidité, la solidité et la force plutôt que la souplesse. Pour diriger, nous nous appuyons souvent sur la force avec une organisation sociale figée or le monde moderne est très complexe.Il est malheureux que notre pays continue à se développer sur le mode de l’affrontement, de l’expression de la puissance, des intérêts personnels, des dominations et des inégalités. Arrêtons de croire en un leader et évoluons vers une nouvelle société en formant un réseau compact au delà des égoïsmes traditionnels. Il faut faire naître une société altruiste qui privilégie l’intérêt commun et supérieur de la nation au détriment de l’intérêt personnel. Un rapport de flux rapprochant tous les centrafricains. Cela nécessite d’avoir accès en permanence à des informations contextuelles, sur l’échange et le partage de ces informations, c’est-à-dire l’adaptation et la solidarité, une relation avec les autres et son environnement.  A ces conditions citées ci-haut et ajouté à cela, les efforts de chaque centrafricain, la jeunesse centrafricaine, de la diaspora, de la Présidente, du premier ministre, des membres du gouvernement, des acteurs politiques, sociaux et religieux, grâce à l’appui de la communauté internationale, de l’ONU, de l’Union européenne, de la France, des pays frères, des partenaires internationaux, nous sortirons sûrement une fois pour toute de cette tragédie. Comme un peuple fort, nous nous relèverons même si les défis auxquels nous faisons face sont immenses, ils ne sont pas insurmontables.
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Commentaires

josianekouagheu
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Baba franchement, je vous tire un coup de chapeau pour ce billet. Bravo à toi, à Arnaud, à Tibrurce et à Djamal. Honnêtement, il fallait montrer aux yeux du monde que la Rca n'est pas ce pays divisé. Que ses fils ne sont pas tous ces assassins décris à travers les médias du monde entier. Moi comme je te l'avais dit, j'ai fait un travail avec les réfugiés centrafricains vivant à Douale et tous sont du même avis. "Avant la crise, nous vivions en harmonie, chrétiens et musulmans". Certains ont perdu leur frère, leur fils... tué probablement par l'autre (musulman ou chrétien. Mais je sais que l'oubli peut être possible. Je le sens à travers ce billet. Félicitations encore!

Baba MAHAMAT
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Josiane,
Merci pour ce commentaire qui vient montrer ton soutien indéfectible comme une sœur à mon pays, un pays agonisant. Nous avons une responsabilité envers notre pays, un devoir patriotique qui celui de nous impliquer afin que la paix revienne. Nous devons le faire, même au prix de notre vie. La paix est un comportement. Il doit être epousé par chaque centrafricain pour que nous sortions de cette chaine de violence qui n'a que trop duré.

Merci encore ma soeur Josi!

Mimi
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Que Dieu vous bénisse et vous protège dans votre combat.
Vous gagnerez!

Baba MAHAMAT
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Mimi, ce combat est le nôtre, nous devons le gagner. Nous avons intérêt. Nous le gagnerons car nous y croyons.
Merci pour ton encouragement!

Baba

tab
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Ce combat doit être celui dans lequel on trouve tous les jeunes centrafricains sans distinction de niveau scolaire , d'age et de pays de residence et ensemble fera de grandes choses pour ce beau et joli pays tant meurtri

tab
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Toutes mes félicitations de cette initiative concernant la création de ce blog et de plus le soulèvement de ce point touchant la participation de la jeunesse centrafricaine dans les processus du développement surtout dans la résolution des conflits politiques pouvant aboutir sur des conflits armés. La jeunesse centrafricaine ne pourra être ce levier si elle même reconnait cette extra ordinaire force qu'elle constitue. Il n'existe pas une plate forme sur laquelle les jeunes peuvent discuter de leur problème et des stratégies par lesquelles ils peuvent passer pour résoudre ces problèmes et s'imposer dans les domaines convergeant vers le développement. Alors je propose qu'on commence à réorganiser en dépolitisant le Conseil National de la jeunesse pour ouvrir un espace à tous les jeunes centrafricains d'avoir cette chance de se connaitre et de se parler pour être une force unique à ne pas négliger dans les grandes prises de décision

Baba MAHAMAT
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Cher Urbain,
Merci d'avoir porté ci-haut ce que beaucoup de jeunes pensent ci-bas. Nous devons mener ce combat pour une rupture totale des pratiques qui nous ont causé que désolation et tristesse. J'y crois, tu y crois, Tiburce y crois, Josiane y crois, Arnaud y croit, Lamine y croit, ... Cédric y croit, Nous y arriverons même si cela demande beaucoup de sacrifice car croire c'est pouvoir!!

Yafondo Tiburce Anselme
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Ce billet prouve aux yeux de tous ceux qui pensent que la RCA est un pays voué aux violences, à la haine,a la vengeance qu'il y a au moins des files et filles dignes de ce nom (des patriotes) qui font tout pour redonner à mon pays une image tout autre de celle dresser par les médias occidentaux. Y a pas de conflits inter religieux en Centrafrique. Ce sont des politiciens qui veulent tirer le drap vers eux en employant ce terme afin de les favoriser dans leur "combat" pour quelles raisons??? eux seuls peuvent le montrer. Alors s'il vous plait,jeunesse de la RCA,cessez d’être manipuler car l'avenir de ce pays nous appartient. rejoignez ce combat avec nous pour le retour de la paix,de l'amour fraternel,de l'unité nationale dans notre pays.

Baba MAHAMAT
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Très belle réaction. Mais merci à toi qui a intervenu dans ce billet qui n'est autre que le point de vue de la jeunesse consciente en Centrafrique

cireass
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Excellent boulot, Baba. En permettant aux jeunes Centrafricains (de confessions différentes) de s'exprimer sur la paix, tu apportes ta modeste contribution pour le retour de la paix en Centrafrique.
Félicitation frangin

Baba MAHAMAT
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Merci Diallo,
Ce sont vos encouragements qui me permettent de rester encore débout. merci à vous les lecteurs, contributeurs!
Baba

Osman Jérôme
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Preuve que, en dépit de leurs divergences religieuses, les jeunes ont leurs partitions déjà jouer dans la résolution de cette crise qui dure déjà trop dans le pays. Je loue votre belle initiative les gars.