La baisse de niveau en Centrafrique, un mal à éradiquer à tout prix!

9 octobre 2012

La baisse de niveau en Centrafrique, un mal à éradiquer à tout prix!

On ne se souvient vraiment peut être pas mais l’histoire retiendra que la République Centrafricaine a connu des élites qui ont fait sa fierté. Il y a encore quelques années, malgré le taux d’alphabétisation moins élevé, ce pays comptait sur quelques intellectuels qui ont brillé avec un parcours excellent tant au niveau national qu’international. Débuté il y a environ une décennie, la baisse de niveau est un fléau qui gangrène l’institution de formation fragilisé par le système éducatif. Parmi les causes, on peut entre autre parler de la corruption, du manque de moyens techniques et des infrastructures adéquates, du favoritisme, de l’irresponsabilité des parents et des élèves et étudiants eux-mêmes. A cela s’ajoutent les multiples crises  sociopolitiques qui ont plongé le territoire dans une instabilité totale.

Il y a quelques années, précisément en 2006 quand j’étais encore élève en classe de terminale C, je passais dans un établissement d’enseignement primaire, l’école Benzvi pour me rendre au Centre National de la Jeunesse et des Sports(CNJS) pour la révision de mes cours. Il  était 15 heures à Bangui et les élèves du Cours Moyen 2è année (CM2) de cette école située en plein centre de la capitale étaient en classe. Je me rappelais avoir écouté leur institutrice leur demandant de donner le nom de l’animal qu’elle avait dessiné au tableau. A sa grade surprise, aucun ne claquait le doigt. Après avoir insisté plusieurs fois, contrainte, elle demanda de donner le nom en sango (langue nationale en Centrafrique). Toute la classe pu crier maintenant mbo (en sango qui veut dire un chien). Stupéfait, j’étais resté quelques minutes terré et abasourdi par la scène dont je venais d’être le grand témoin. Qu’à cela tienne, la chute du niveau a été si vertigineuse que même le gouvernement ne semble plus maîtriser ce fléau. La corruption a été quasi légitimée à travers des pratiques indignes d’une institution de formation qui a pour mission principale d’inculquer aux écoliers et étudiants le respect de l’étique, de l’honnêteté et le sens de l’effort. On se demanderait pourquoi pratiquer la corruption à l’école? D’abord, il faut noter que le salaire des enseignants n’est pas consistant pour répondre aux multiples besoins quotidiens incommensurables de leurs progénitures. La cherté de la vie avec l’augmentation des denrées et produits de première nécessité ne favorise guère plus la situation. Pour surmonter toutes les difficultés financières, ils ont trouvé refuge en monnayant les notes. Non moindre, la pratique est omniprésente au sein des établissements secondaires et à l’université ainsi que dans les Instituts. Ainsi, On parle souvent des Notes Sexuellement Transmissible (NST) pour designer les rapports qu’entretiennent certains enseignants et autres responsables académiques avec leurs élèves ou étudiantes. La pratique est ainsi généralisée. Par exemple, un de mes amis m’annonçait en 2008 qu’il était obligé de remettre une somme de 100 000 FCFA(environ 152 euro) pour obtenir un diplôme de baccalauréat général après deux ans d’échec. Il me racontait qu’ à défaut d’avoir la même somme que lui, un de ses collègues a du payer 50 000 FCFA (soit 76 euros pour être admis au second tour. C’est la triste réalité. Je me souvenais qu’en 2010, lors de la délibération des examens du brevet des collèges, certains candidats malheureux ont pu être soulagés en payant 3000 FCFA (environ 4,5 euro)  pour leur admission. Alors à ce moment, le système éducatif ne mérite-il pas d’être remis en cause?

Pie encore, la responsabilité des parents. Certains parents vont même encourager ces pratiques en payant eux-mêmes l’admission de leurs enfants aux concours et examens. Il est quasi impossible qu’un enfant, paresseux soit-il puisse reprendre une classe. Le rôle souverain des parents qui est de conseiller leurs progénitures et les aider à surmonter les difficultés scolaires en les incitant à donner le meilleur d’eux-mêmes est transformé en des « poussoirs en classe supérieure ». Ils cautionnent ainsi la médiocrité au lieu d’inculquer la culture d’excellence. Sous prétexte qu’un monsieur soit bien placé, il n’aimerait jamais que ses enfants reprennent leur classe pour des raisons infondées. Certains vous diront que d’autres parents le font alors il n y a pas de raison qu’il ne le fasse. Qu’il essaie juste d’aider leurs enfants à réussir afin de les entretenir une fois qu’ils réussiront. Les visites parentales aux responsables académiques sont devenues monnaie courante. Surtout en période d’examen de fin d’année, les réseaux téléphoniques sont encombrés par les appels intempestifs des parents aux « sauveurs » de leurs enfants qui sont soit des enseignants retenus pour la correction des épreuves, soit des intermédiaires prêts à tout pour soutirer de l’argent aux parents qui manquent de vigilance. Les devantures des directions académiques se font remarquer par des allers et retour de personnes discrètement. La proximité entre parents et enseignants n’est plus à souligner. D’aucuns vont même dire que certains enseignants se rendent aux domiciles familiaux de leurs élèves pour proposer leur « aide ».

En ce qui concerne les élèves et étudiants, le principe est de ne pas reprendre une classe. Souvent, ceux qui reprennent une classe sont traités d’incapables. Ce qui signifie qu’ils n’ont, soit pas de parents bien « placés » soit ne disposent pas de moyens suffisants pour payer leur admission. Cependant, ce sont des cas d’une rareté extrême. En 2011, j’ai fait la connaissance d’un étudiant de l’École Normale Supérieure (ENS) de Bangui. Il s’agit de l’unique école de formation des pédagogues. Il m’expliquait comment les étudiants se comportaient lors des évaluations. La tricherie est devenue presque, une action légitimée par les étudiants. Même à l’université, à quelques années de la vie active, ils n’apprennent pas les bonnes manières. Certains enseignants font souvent l’objet de menaces proférées à leur endroit quand ils tentent d’appliquer le Règlement Intérieur portant organisation et déroulement des contrôles de connaissance. On se croyait dans la République de Gondwana en reprenant les termes de Maman. Certains élèves et étudiants préfèrent rester à la maison en faisant confiance à leur poche pour les faire passer. C’est ainsi que dans la plupart des cas, ils ne se rendaient sur les campus qu’au moment des examens, et là, juste pour une formalité.

La situation est plus préoccupante encore dans les zones reculées du pays. Dans certains endroits, le taux alphabétisation avoisine les 90% selon une source gouvernementale. Les enfants à l’âge de  scolarisation ne fréquentent pas à cause des travaux champêtres imposés par leurs parents.  Ces mêmes pratiques décrites ci-haut font l’unanimité. Les parents à défaut de disponibilité financière, apportent souvent aux enseignants et autres cadres académiques du bétail ou des articles divers selon les activités (chasse, agriculture, …).

Pour l’État, de multiples réunions ont permis de desceller les problèmes mais trouver les solutions semble tenir la queue du diable. Ce qui est important est la mise en cause du système éducatif qui prévaut jusqu’à lors. La mondialisation avec les progrès technologiques obligent la Centrafrique à s’aligner derrière les autres pays en envisageant la refonte de son système éducatif dans lequel tout élève ou étudiant finissant ses études soit à mesure de se rendre utile à travers ses compétences. Car il faut reconnaître que la compétition est très rude comparé aux pays voisins comme le Cameroun, ou le Gabon pour ne citer que ceux-là. Les documents pédagogiques au programme sont dans la plupart des cas, issus de vieilles éditions datant de plus de 30 ans devenant ainsi obsolètes

Tout cela à des conséquences graves et ne peut que mener cette nation à s’enfoncer davantage dans un trou que tout le monde est entrain de contribuer à rendre béant. Si la situation ne se stagne pas, la relève des cadres posera une réelle difficulté.

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Commentaires

linda
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c'est une réalité qui ne se trouve pas seulement en Centrafrique. On la rencontre dans presque tous les pays d'Afrique. On a toujours tendance à croire que le blanc a déjà tout fait. Pourquoi nous fatiguer encore à travailler. C'est triste mais c'est la réalité de notre continent.

Baba MAHAMAT
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Slt Linda,
Je crois que tu as parfaitement raison seulement il faudrait ici voir là où les responsabilités sont mises en cause. D'abord il y a certes la faute des institutions de formation en Afrique mais il est important de souligner que les jeunes ne travaillent plus assez du moins, par rapport à la génération des années 60 et que le niveau baisse de manière exponentiel. Les parents ont également leu part de responsabilité car ils cautionnent la médiocrité de leurs enfants en monnayent les notes ou en facilitant le passage des élèves et étudiants.
Alors face à tout cela, que faire Linda?

Anselty
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C'est une triste réalité pour la RCA. Oui, nous avons été dans le temps des meilleurs en Afrique Francophone et surtout en Afrique centrale, mais ces dernières années, à cause des multiples crise qu'à connues notre pays, le niveau est en baisse et ça, il faut le reconnaitre. Beaucoup d'étiologies expliquent cette baise de niveau sur tous les plans (Social, économique, sécurité, sanitaire, nutritionnel,....) j'en passe. Mais il faut que le gouvernement ainsi que les partenaires au développement, réfléchissent sur les moyens et stratégies à mettre en place pour rehausser le niveau intellectuel de nos cadets.

remangai alfred
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la baisse de niveau en rca ne vient des élèves ni des enseignants, il fut un moment ou des états généraux de l'éducation se sont multipliés, toutes leurs recommandations sont mises dans l'oubliette.