Centrafrique: la jeunesse doit être le levier du changement
« Nous avons toujours vécu en proximité, jeunes musulmans et chrétiens et nous le resterons toujours quoi qu’il en soit ». Telle est la phrase anecdote qui a alimenté une discussion sur ma page, discussion qui a motivé cet article. Les contributions de Arnaud Mboli Fatran, de Tiburce Yafondo et de Djamal Lamine ont été essentielles dans l’édition de ce billet qui retrace la vision de ces jeunes Centrafricains mais aussi leur apport quant à la résolution de ce conflit qui n’en finit pas malgré l’implication et la mobilisation de plus en plus croissante de la communauté nationale et internationale. Fruit de la collaboration de 4 jeunes dont deux chrétiens et deux musulmans, ce billet vient prouver que malgré ce drame, les jeunes veulent montrer aux yeux du monde qu’ils sont toujours unis et qu’ils peuvent parler de leur pays en faisant profil bas de leur différence religieuse.
- Musulmans et Chrétiens ont toujours été des frères depuis des décennies. Il est d’autant plus difficile d’avoir une famille sans pour autant y voir le brassage de membres appartenant aux deux religions. Quels sont alors ces prévaricateurs spirituels qui veulent nous diviser se demande Djamal Lamine. Ce dernier voit mal la cause religieuse de cette crise qui secoue tout le pays. Pour lui, les politiques ont manipulé la crise en leur faveur.
- Pour Tiburce Yafondo nous avons toujours eu des mariages mixtes musulman/chrétien célébrés en Centrafrique. Pendant des années, la cohabitation entre ces deux communautés n’a jamais été mise à rude épreuve. Mais aujourd’hui, à cause des intérêts politiques, la crise centrafricaine a été instrumentalisée de toute pièce afin de faire croire à l’une ou l’autre communauté qu’il y a des clivages.
- Pour Arnaud Mboli Fatran, les actes commis aussi bien par les milices que par certaines parties de la population doivent nous interpeller et nous plonger dans de sérieuses réflexions quant au degré de violence qui prévaut dans notre pays. Le lynchage d’un élément des FACA (Forces des Armées Centrafricaines) accusé par ses coéquipiers d’appartenir à la Seleka montre qu’au delà de la gravité de la crise, il faut reconnaître que le suivi psychologique de la population est plus que jamais d’actualité. Ces événements viennent mettre en lumière le terrible changement de la population entre des régimes, dont ceux de François Bozize et les autres présidents, et celui de Michel Djotodia. Le fait qu’un centrafricain n’ait plus peur de tuer, de décapiter ni de brûler son semblable doit conduire à se poser des questions et à trouver des réponses appropriées et durables pour ne plus retomber dans les mêmes erreurs qui nous poursuivent depuis des années.
- Pour Baba Mahamat, il faut croire à une nouvelle société basée sur le changement comportemental de chaque centrafricain, même si nous sommes tombés très bas, même si la cohésion entre ces deux communautés est terriblement affectée à cause des exactions commises par des milices sur la population civile, même si les victimes se comptent par milliers, même si les cœurs sont brisés. Il faut croire que la situation ne demeurera pas inchangée. Oui, la croyance est la seule chose qui nous anime lorsque, nous avons tout perdu. Elle est la nourriture des pauvres. Il y a une prise de conscience réelle d’une partie de la jeunesse et de la population. Cette prise de conscience se manifeste à travers des discussions animées aussi bien physiquement que virtuellement. Cependant, ce n’est pas assez.Il y a beaucoup à faire. Le chemin est indiscutablement long. La jeunesse centrafricaine consciente n’est pas encore unie. Il y a beaucoup de velléités et de différends de la part de cette jeunesse qui doit être le levier du changement. La prise de conscience n’est pas effective du moment où nous continuons de recourir à des structures rappelant la géométrie classique. Nous croyons toujours à une organisation de la société de nature pyramidale, à agir de manière systématique et linéaire « une chose après l’autre ». Nous continuons à croire en un leader. Comme l’avait dit Rolland Marshall sur Kto : « La Centrafrique n’a pas besoin d’un leader providentiel ». Il faut rompre avec cette société archaïque dans laquelle le pouvoir est hiérarchisé et conduit à un rapport de force. L’organisation de la société centrafricaine est toujours symbolisée par la rigidité, la solidité et la force plutôt que la souplesse. Pour diriger, nous nous appuyons souvent sur la force avec une organisation sociale figée or le monde moderne est très complexe.Il est malheureux que notre pays continue à se développer sur le mode de l’affrontement, de l’expression de la puissance, des intérêts personnels, des dominations et des inégalités. Arrêtons de croire en un leader et évoluons vers une nouvelle société en formant un réseau compact au delà des égoïsmes traditionnels. Il faut faire naître une société altruiste qui privilégie l’intérêt commun et supérieur de la nation au détriment de l’intérêt personnel. Un rapport de flux rapprochant tous les centrafricains. Cela nécessite d’avoir accès en permanence à des informations contextuelles, sur l’échange et le partage de ces informations, c’est-à-dire l’adaptation et la solidarité, une relation avec les autres et son environnement. A ces conditions citées ci-haut et ajouté à cela, les efforts de chaque centrafricain, la jeunesse centrafricaine, de la diaspora, de la Présidente, du premier ministre, des membres du gouvernement, des acteurs politiques, sociaux et religieux, grâce à l’appui de la communauté internationale, de l’ONU, de l’Union européenne, de la France, des pays frères, des partenaires internationaux, nous sortirons sûrement une fois pour toute de cette tragédie. Comme un peuple fort, nous nous relèverons même si les défis auxquels nous faisons face sont immenses, ils ne sont pas insurmontables.
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