« Le changement, c’est nous et c’est maintenant », Baba Mahamat jeune centrafricain vivant au Cameroun

Article : « Le changement, c’est nous et c’est maintenant », Baba Mahamat jeune centrafricain vivant au Cameroun
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27 mars 2015

« Le changement, c’est nous et c’est maintenant », Baba Mahamat jeune centrafricain vivant au Cameroun

Nous avons l’honneur de recevoir Baba MAHAMAT, jeune centrafricain de confession musulmane vivant au Cameroun et activiste des Droits de l’Homme.

1 – Bonjour, peux-tu te présenter en quelques mots?
Je suis Baba Mahamat, jeune centrafricain, titulaire d’un diplôme de Master en Réseaux informatiques&Sécurité, membre de plusieurs associations de jeunes dont le Club RFI Bangui Fononon qui m’a formé, le Réseau des Jeunes de l’Afrique centrale pour les Droits de l’homme, Paix et Démocratie. J’ai été chargé de cours à l’université de Bangui de 2010 à 2011 avant de regagner Douala la capitale économique du Cameroun pour mon Master. J’occupe depuis peu le poste de Responsable d’Exploitation au sein d’une entreprise basée à Douala après 8 mois comme assistant-IT. Je suis enfin Social Reporter (couverture en ligne et sur-site des conférences, formations et grands événements sur les réseaux sociaux) et blogueur à Mondoblog (depuis septembre 2012) et à La Voix des Jeunes (depuis Juin 2014).

2 – Depuis quand as-tu connu l’UASCA et quels souvenirs gardes-tu de cette association?
L’Union des Anciens Séminaristes Carmes en abrégée UASCA est une association à but non-lucratif que j’ai découverte depuis plusieurs années à travers un collègue devenu ami, et très vite un frère, en la personne de Cédric Ouanekponé qui fut son Président. Mais faut-il rappeler que ma proximité d’avec la plus part des membres de ladite union est antérieure à sa naissance et ce, grâce aussi à Cédric Ouanekponé. Je garde de très beaux souvenirs de l’UASCA, des souvenirs que je ne suis pas prêt d’oublier. J’ai surtout en mémoire des souvenirs inoubliables du partage lors de la session de formation d’initiation en Informatique, organisée par le Bureau de l’UASCA sous l’impulsion de son Président de l’époque Cédric Ouanekponé et dont j’ai eu le privilège d’animer. Je me souviens comme si c’était hier de l’engouement de ces jeunes à apprendre plus et à maitriser les rouages de l’informatique. J’ai été exalté par ce sentiment de me retrouver en face des gens avec qui nous partageons la même vision, celle d’une jeunesse forte et entreprenante.

3 – Depuis quand es-tu à l’étranger et pourquoi ?
Je vis au Douala depuis fin septembre 2011 avec des séjours ponctuels à l’étranger (Casablanca, Dakar, Abidjan, Brazzaville, Nairobi…) y compris à Bangui. Au début, j’ai déposé mes valises pour les études supérieures et après deux années, j’ai validé mon titre  de Master of Engineering en Réseaux Informatiques&Sécurité le 04 décembre 2013. Je devrais rentrer au pays le 15 du même mois, afin d’apporter mon expertise à mon pays et continuer avec ma vocation d’enseignant à l’Institut Supérieur de Technologie.  Mais les événements de décembre 2013 m’ont contraint à prolonger mon séjour à Douala, du moins pour quelque temps. Les choses étaient de plus en plus compliquées, la situation qui était difficile car ayant subi les tristes événements du putsch du 24 mars, est devenue intenable, insoutenable. Ma famille et moi, sans oublier le sage conseil des amis, avons décidé que je reste encore pour quelque temps à cause de mon appartenance religieuse. Je me suis battu et après plusieurs entretiens, j’ai pu être embauché dans une entreprise de la place. Mais le désir de retourner en Centrafrique se nourrit en moi chaque jour, et je n’exclus pas qu’avant fin 2015, je reviendrais dans mon pays natal.

4 – Quelles sont tes perspectives d’avenir ? (comment te vois-tu dans 10 ans par exemple?)
Je nourris le projet d’aller continuer en Master Recherche et de m’orienter vers le doctorat. Je suis encore jeune et je pense qu’être jeune est une chance qu’il faut exploiter. Notre pays n’a pas docteurs en Informatique et ce domaine reste inconnu. Il y a tellement de possibilités qu’offre l’informatique, et la RCA doit les exploiter comme les autres pays tels le Sénégal, le Kenya, le Ghana, l’Afrique du Sud, et que sais-je encore. Je reste convaincu qu’avec l’informatique, nous parviendrons à renverser la tendance et à redynamiser la société centrafricaine. Je voudrais me voir dans 10 ans comme Patron d’une entreprise que je voudrais créer et qui aura non seulement une dimension nationale mais aussi des filiales au delà des frontières centrafricaines. C’est un rêve auquel je tiens beaucoup.
 
5- Quelles leçons tirées  de la crise centrafricaine et quelles sont selon toi  les éventuelles pistes de solutions?
La crise centrafricaine a ébranlé tout un système en le mettant en cause. Cette crise, qui n’a pas commencé qu’en 2012 a montré la faiblesse des centrafricains que nous sommes en mettant en exergue les maux de notre société, des maux que nous avons expressément voulu ignorer et qui ont éclaté. On ne cache jamais la fumée. Nous avons vécu dans un système où rien ne marchait. Nous devons maintenant prendre conscience de toutes les erreurs que nous avons commises dans le passé et le présent. Nous devons nous dire tous qu’il est temps que tout cela s’arrête et que nous apprenons une nouvelle forme de vie. Nous devons nous approprier le mot patriotisme et nous dire que c’est à nous de construire notre pays et assurer notre survie. Comme piste de solution, je pense que le prochain Forum de réconciliation doit mettre l’accent sur les problèmes rencontrés par la population toute entière (y compris nos frères et sœurs qui se trouvent dans les provinces) en laissant toutes les couches sociales s’exprimer. Ce forum ne doit pas être une énième opportunité offerte (il y a eu assez déjà dans le passé) aux hommes politiques pour s’accaparer des postes et oublier que le veritable enjeu de ces assises est de pouvoir réconcilier le peuple centrafricain.

6- Fervent musulman que tu es, que penses-tu de ceux qui affirment que le conflit centrafricain est interconfessionnel?
Dire que l’origine de la crise centrafricaine est religieuse, c’est méconnaitre la cause profonde de cette crise. La crise a été « confessionalisée » par certaines personnes pour des raisons que, seuls les responsables peuvent expliquer. Nous avons assisté, impuissants à un conflit politique. La division intercommunautaire n’est qu’une conséquence, pas une cause. Nous avons vu comment les différentes religions trouvaient leur place dans ce pays même s’il ne faut pas ignorer la souffrance qu’enduraient certains compatriotes musulmans qui sont traités d’étrangers alors qu’ils devraient bénéficier des mêmes droits que les autres. Cependant, ce n’est aucunement une raison suffisante pour prétendre mettre en mal la cohésion entre des voisins qui vivaient, riaient, chantaient, buvaient, mangeaient hier ensemble. Nous avons toujours la possibilité de choisir la bonne action et de réfuter la violence. Nous ne sommes pas nés avec la violence mais nous apprenons à être violents. Et si nous apprenons à être violents pourquoi pas ne pas apprendre la non-violence? Aucune religion au monde, ni l’Islam, ni le Christianisme n’enseigne la violence ou la haine à ses adeptes.

7- En Centrafrique, les consultations à la base sont en cours dans l’attente du fameux forum de Bangui. En tant que jeune centrafricain,  quelle lecture fais-tu de tout cela et quelles sont tes attentes?
Je voudrais en tant que centrafricain et partisan de la paix saluer cette noble idée de pouvoir convier les centrafricains de toutes les couches à se parler afin d’identifier les causes profondes du mal centrafricain, y mettre un trait définitif en proposant des pistes de solutions. Les consultations à la base doivent être une opportunité unique de pouvoir parler de ce qui nous unit tous : notre pays. C’est aussi le moment à jamais de pouvoir dire la vérité sur pourquoi sommes-nous arrivés à cette tragédie afin d’y mettre fin. Les assises qui suivront doivent nous permettre de décider unanimement de tourner la page et d’apprendre de revivre ensemble en corrigeant nos erreurs du passé. Il est certes difficile d’arriver à mettre un trait au passé mais si nous avons chacun, en son fort intérieur la volonté, nous y parviendrons à coup sur.  La paix en Centrafrique est conditionnée par une prise de conscience individuelle puis collective des centrafricains. La paix ne doit pas être un vain mot, il doit être le reflet de notre comportement, une logique de notre réflexion, une manifestation de notre désir.

8 – La jeunesse centrafricaine a souvent été peinte en noir dans cette crise, partage-tu ce point de vue ? A ton avis quelle place doit occuper cette jeunesse dans le processus de cette sortie de crise dans notre pays ?
La République centrafricaine à l’instar des autres pays d’Afrique dispose d’une énorme potentialité : celle d’avoir plus de jeunes que de vieillards. Mais la jeunesse est semblable à une pièce de monnaie c’est-à-dire dotée d’une double face. Elle est capable du meilleur comme du pire. Nous avons malheureusement tous échoués en tant que jeunes en montrant nos limites pendant cette crise.  Notre jeunesse a besoin d’être véritablement encadrée, soutenue afin d’apporter sa meilleure contribution pour l’épanouissement de notre société. Pendant très longtemps, la jeunesse centrafricaine a été instrumentalisée à des fins négatives. Elle a perdu sa véritable vocation et le chemin qu’elle devrait emprunter. Elle avait besoin des idoles, des leaders sur lesquels s’appuyer, des exemples à suivre. Nous ne sommes pas encore assez solidaires. Parmi nous, il y en a encore qui utilisent l’argument de l’engagement pour leurs ambitions personnelles. Une attitude qui laisse la porte ouverte à la manipulation des « politiques ». Mais j’ai foi en cette jeunesse malgré tout, je sais qu’il y a certains, qui se battent nuit et jours comme vous d’ailleurs de l’UASCA à travers des projets ambitieux pour faire changer le visage de la jeunesse. Il nous faut une forte mobilisation et des actions concrètes en faveur de cette jeunesse dans le domaine de l’éducation, la santé, … Il nous faut une jeunesse engagée et entreprenante. Mais nous pouvons y arriver que si nous sommes unis car ensemble nous sommes plus forts.
 
9-Quelle est ta vision de la vie ? (Question personnelle du cousin)
J’ai toujours considéré la vie comme étant une chance. A travers la vie, on peut faire des choses inimaginables comme réunir les gens autour d’un projet important, aider les gens qui en ont besoin, faire des choses que certains peuvent trouver impossibles en utilisant ses potentialités. Je pense que tant qu’on vit, on doit toujours foncer et aller de l’avant, avoir un œil ouvert sur le présent mais regarder l’avenir. Pour moi, chaque jour qui passe nous amène à s’approcher davantage de notre rêve lorsque nous y tenons et que nous faisons des efforts dans ce sens. Il faut saisir toutes les opportunités qui s’offrent à nous, chaque jour que Dieu a créé.

10 – As-tu quelque chose de particulier à ajouter (ta conclusion)?
Je ne cesse de le répéter : être jeune est une chance que nous devons saisir. Nous avons pleine d’énergie et de potentialité, il nous faut y mettre un peu de volonté et nous pouvons faire changer le visage de notre société. Nous devons être unis afin d’être plus forts. Nous devons chercher à aller là où nos grands-parents et nos parents ne sont pas arrivés. Nous devons faire nôtre cet adage qui dit «Malheur à celui qui ne fait pas plus que son père ou sa mère». Nous sommes jeunes alors nous devons être l’émanation du changement. Ce dernier, c’est nous et c’est maintenant.

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