Concerts de casseroles, cette autre manière pacifique de protester en Centrafrique

Article : Concerts de casseroles, cette autre manière pacifique de protester en Centrafrique
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1 juillet 2013

Concerts de casseroles, cette autre manière pacifique de protester en Centrafrique

Lorsqu’un peuple a en marre, il trouve toujours une manière telle qu’elle soit de le manifester. Dans un pays où les actes de barbaries ne font que se multiplier, les pillages n’ont jamais cessé et les exécutions sommaires ainsi que les viols ont atteints un niveau record, la population a trouvé sa manière de manifester son mécontentement face à la situation chaotique qui prévaut en Centrafrique. Dans une situation où manifester semble suicidaire, les habitants de Bangui, la capitale centrafricaine s’est levée comme une seule personne en décrétant les concerts de casseroles qui ont véritablement commencé le dimanche 30 juin.

 

Photo(crédit:Facebook)
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Lorsque les dirigeants oublient ou ignorent que gouverner implique la résolution des problèmes d’ordre social, politique et sécuritaire, les centrafricains ont trouvé leur façon de montrer aux responsables gouvernementaux que la situation a atteint un seuil inimaginable et qu’ils n’en peuvent plus. Les concerts de casseroles ne sont pas une expression nouvelle dans le dictionnaire des centrafricains qui l’a pratiquée dans le passé. Je me souviens encore comme si c’était hier, malgré mon jeune âge aux temps de l’ancien Président Ange-Félix Patassé où Bangui a sombré pendant des jours dans le concert des casseroles. A l’époque, la principale raison semblait être les arriérés des salaires des fonctionnaires occasionnant la famine dans les foyers, étant donné que l’Etat reste le premier employeur dans ce pays. Les couvercles des marmites des ménages ont joué un rôle très important dans cette nouvelle révolution pour qui, la population en a fait une arme redoutable contre les dérives du pouvoir. On pourrait dire que, même si ces concerts n’ont pas été la cause immédiate de l’éviction d’Ange-Félix Patassé du pouvoir, ils ont été un signe vent-coureur d’un pouvoir qui vacillait.

Débuté avec la prise des armes par les éléments de Seleka début décembre 2012, les exactions, viols, actes de vandalisme, profanation des symboles de l’église, exécutions sommaires, spoliation  des biens de personnes et autres, ont atteint un niveau inégalable avec la prise du pouvoir le 24 mars 2013. La situation connaitra un virage sans précédent à travers la fameuse opération de désarmement orchestrée entre le 14 et 15 avril 2013 par un contingent  conséquent d’éléments de la Seleka au quartier Boy Rabe, opération lors de laquelle de nombreuses maisons ont été pillées, plus d’une trentaine de personnes ont trouvé la mort ainsi qu’un nombre incalculable de blessés par balle. Le pic sera atteint lorsque, lors d’une manifestation de la population contre l’enlèvement et l’assassinat d’un jeune étudiant de l’Ecole Normale d’administration et de la magistrature le vendredi 28 juin, des éléments de la Seleka ont tiré à balle réelle sur la foule faisant plusieurs victimes.

Face à cet état des choses, les habitants de Bangui qui avaient déjà nourri le désir d’une manifestation à la casserole a décidé de passer à la vitesse supérieure. Ce dimanche 30 juin, la soirée a été marquée par ces concerts de casseroles, un mouvement qui promet continuer jusqu’en fin de la semaine selon de nombreuses sources. Le concert de casseroles consiste à utiliser des marmites en faisant un maximum de bruit, une action qui est relayée par les voisins, ainsi de suite. Il s’applique souvent à la tombée de la nuit et s’arrête le plus souvent tard dans la nuit.

Si les raisons de cette action tournent autour de l’insécurité grandissante qui sévit dans tout le pays, certains en ont profité pour dénoncer le non-paiement des salaires depuis trois mois par les nouvelles autorités occasionnant la famine dans de nombreux foyers comme l’a souligné le réseau des journalistes de Droits de l’homme en Centrafrique dans son reportage. D’autres encore pensent que ce mouvement permettra d’alerter l’opinion internationale de l’ampleur de la situation qui a pris une autre tournure.

Dans ce soulèvement populaire, les réseaux sociaux ainsi que les réseaux téléphoniques ont joué un rôle de premier plan dans la communication. Car les amis et connaissances s’informent à travers facebook, sms et messages pour que le mouvement soit suivi par la majorité des Banguissois.

Les centrafricains sont habitués à fermer l’œil sur leur souffrance mais cet événement prouve combien le mécontentement s’est généralisé contre les éléments de la Seleka qui se livrent à des actes barbares. Les nouvelles autorités sont priées de prendre en compte les revendications légitimes du peuple pour ne pas se faire rejeter par celui-ci. Le pouvoir sans peuple n’est pas le pouvoir car ce sont les aspirations profondes du peuple qui doivent être prises en compte dans un système où la démocratie, la liberté d’expression et de manifester, de dénoncer semblent être un droit absolu et reconnu sur le plan international.

Vivement que ces concerts de casseroles réussissent.

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