Centrafrique : christianisme et islam, une cohabitation de plus en plus difficile
J’hésitais à faire cet article sur les relations plus que tendues entre chrétiens et musulmans en Centrafrique, mais mon voyage du 27 mai dernier m’y a obligé. C’est un réel problème qui risque de perdurer encore. Depuis décembre 2012, les ragots vont bon train et la population centrafricaine a trouvé un nouveau sujet d’actualité. Que ce soit dans les bus et taxis ou au bureau, à l’université, dans les écoles et lycées ou dans les avions, les Centrafricains ne parlent que de la Seleka et de la possible islamisation de la RCA. Mais cela va plus loin, sur la toile et notamment sur Facebook, des heures entières sont consacrées à parler de la période difficile que traverse notre cher et beau pays, mais aussi et surtout à y faire mention de son islamisation très prochaine selon certains compatriotes.
Lorsque je partais à Dakar en début avril pour la formation MondoblogDakar, l’avion qui nous amenais, la fameuse compagnie RAM (Royal Air Maroc) nous a obligé à faire une escale de plus de 6 heures à Casablanca. Plus de la moitié de ce moment de détente à été consacrée aux discussions liées à notre pays. Il se dégageait déjà chez quelques compatriotes l’inquiétude de voir la Centrafrique passer aux mains des islamistes. Mais là n’est pas le problème. Dans tous les pays du monde, cohabitent musulmans et chrétiens. Ce n’est pas la Centrafrique qui fera l’exception. Les événements qui se sont déroulés en Centrafrique – et notamment le coup d’état du 24 mars – ont fait couler beaucoup d’ancre principalement du fait que le chef de l’exécutif soit un musulman, pour la première fois de l’histoire de ce pays.
Le pouvoir de la désinformation
Lundi 27 mai, après le décollage d’un vol de la nouvelle compagnie de transport aérien Karinou Airlines dans lequel je me trouvais, j’ai remarqué que les deux passagères assises juste devant moi parlaient beaucoup et en sango, ce qui a attiré ma curiosité. Après les salutations d’usage en langue sango, nous nous sommes lancé mes voisines et moi dans une discussion sans précédent. Le sujet était le même, la RCA et ses problèmes.
Marina, une jeune couturière et Eva, une fonctionnaire d’un ministère, se rendaient toutes deux à Douala pour un séjour d’affaire. Nous avons continué et voilà que Eva lance sans vergogne :
« Ce Djotodia-là, il a demandé aux 70 députés de l’Assemblée nationale de voter une loi appelée chaaria avec comme effet, de couper la main aux voleurs, châtier les personnes coupables d’adultère, contraindre toutes les femmes au port du voile… mais heureusement plus de quarante députés ont voté contre cette loi ».
Abasourdi, le visage très grave, le silence a eu raison de moi pendant plus d’une minute avant que je ne détourne la discussion. Alors, il s’agit vraiment là d’une désinformation car:
- Il n’existe plus d’Assemblée nationale ni de députés en Centrafrique après le putsch, mais plutôt de 135 conseillers, selon les recommandations de la CEEAC lors de la réunion à N’Djamena sur la crise centrafricaine et non de 70 qui siègent au CNT.
- Et puis, cette fameuse loi n’a jamais existé. Après l’élection des Présidents de la République et du Conseil National de Transition (CNT), la deuxième session ordinaire du CNT ouvert début mai avait pour but de rédiger les documents de base dudit conseil.
Une mission : la fin des divisions
Mais ce n’est pas tout. Sur Facebook, après la diffusion d’une lettre datée d’avril 2012 dont la paternité avait été accordée à Michel Djotodia, certains compatriotes passent leur temps à chercher à discréditer le Président de la transition en l’accusant d’avoir des ambitions islamistes. Sur la toile , on peut lire des propos tels que : « Djotodia avec la complicité de Deby est entrain de mettre en place un plan machiavélique pour faire de la RCA un pays islamiste ».
Le Tchad qui possède plus de musulmans que la RCA, n’a jamais été un pays islamiste mais laïc. Ce qu’il faut réellement faire, c’est obliger le Président actuel à ramener la sécurité sur tout le territoire et rapatrier les mercenaires étrangers qui rendent la vie infernale aux Centrafricains. Nous n’avons pas besoins de nous diviser davantage car nous avons des défis difficiles à surmonter et ceux-ci nécessitent l’apport des Centrafricains de toutes les couches sociales, peu importe la religion, l’ethnie, la région…
Chrétiens et musulmans, une cohabitation de plus en plus difficile
De jour en jour, la cohabitation entre les adeptes de ces deux religions s’annonce difficile. J’ai souffert avec les autres du coup d’état du 24 mars dernier, j’ai condamné tout comme les autres patriotes cette vague de violence qui a précédé et suivie le 24 mars mais je regrette le fait que d’aucuns parlent d’islamisation juste parce que c’est un Musulman qui est au pouvoir. Si Michel Djotodia n’a pas pu être un bon berger avec sa bande de rebelles remplie de bandits de grands chemins, assoiffée de biens et d’argents, il ne faut pas pour autant lui prêter des ambitions islamistes. La situation en Centrafrique est plus compliquée, et mal la comprendre risque de mettre en péril la cohabitation de ces deux religions qui ont jadis vécu en harmonie.
La nomination du pasteur Josué Binoua, ancien ministre de l’administration du territoire de François Bozizé, au poste de conseiller à la présidence centrafricaine en charge des affaires religieuses et des minorités, annoncée par la Radio nationale lundi 20 mai devrait permettre d’atténuer les inquiétudes des responsables des églises qui ont été conviés à une réunion avec le nouvel homme fort de Bangui.
Centrafricains, ne suivons pas les hommes politiques avec tous leurs mensonges et leurs démagogie qui les caractérisent. Une bonne appréhension de l’histoire et de la géographie de notre pays nous permettra de vivre en harmonie. Si François Bozize et Michel Djotodia tiennent à leur peuple, ils n’ont qu’à tout œuvrer pour l’unir au lieu de le diviser en bradant des slogans hostiles et susceptibles de mettre en mal l’unité nationale. L’histoire du pays retiendra l’action de chaque homme, qu’il soit bonne ou mauvaise et le peuple n’oubliera jamais.
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