Mohamed Morsi, un changement à changer ?

Article : Mohamed Morsi, un changement à changer ?
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14 décembre 2012

Mohamed Morsi, un changement à changer ?

Il y a déjà quelque temps que j’ai décidé de suivre de très près les événements qui font parler d’eux en  Egypte, le pays des pharaons. C’est lors des soulèvements de janvier 2011, obligeant le président Hosni Moubarak à démissionner et à céder ainsi le pouvoir à son vice-président que j’ai trouvé cette envie qui est devenue mienne.

Le vice-président, se trouvant entre le marteau et l’enclume, était contraint d’organiser les élections dont le premier tour a eu lieu les 23 et 24 mai et le second tour les 16 et 17 juin 2012, lesquelles ont permis à Mohomed Morsi d’être vainqueur à l’issue du deuxième tour. Le choix avait été difficile pour les Egyptiens, car il fallait accorder leur confiance soit à un ancien du régime qu’ils ont combattu et obliger le leader à abdiquer, soit à Mohamed Morsi, le candidat des Frères musulmans, un parti islamique persécuté pendant le règne du président déchu.  Pris au piège,  la population avait finalement décidé du choix de Morsi, car mieux vaut un nouvel homme, même islamiste, qu’un ancien du régime Moubarak.  Le peuple Egyptien a choisi de tourner la page et d’écrire une nouvelle page de son histoire en accordant la majorité des voix à Morsi.

Mais il faut se dire que l’élection de Morsi a été peu appréciée par certains Occidentaux notamment, dans le pays de l’oncle Sam où les Américains le voient comme un radical. Ce qui est le plus frappant, c’est la manière que les islamistes utilisent pour conquérir le pouvoir au Maghreb.

Comme la démocratie imposée par les Occidentaux semble être la seule la forme légitime de prendre le pouvoir, les partis islamistes ont compris qu’il fallait retourner leur veste pour conquérir les électeurs, comme se fut le cas en Tunisie avec Ennahdah. Ils ont accepté comme les autres partis le processus démocratique mais avec des ambitions voilées. Morsi a compris très tôt qu’il fallait écarter à tout prix les militaires du pouvoir pour avoir la marge de manœuvre nécessaire, sur l’objectif des Frères musulmans qui est d’islamiser le pouvoir en envoyant leur chef en retraite.

Le dernier épisode en date est celui du fameux article permettant au Président Morsi de posséder des pouvoirs supplémentaires, comme si les fonctions dont il dispose ne lui étaient pas suffisantes. L’opposition divisée, la population a repris les choses en commençant comme en 2011 par des manifestations à la place Tahrir (littéralement « place de la Libération »), le foyer de la révolution ayant renversé Moubarak.

Les Égyptiens sont appelés à se prononcer sur la constitution, après la décision du président Morsi de retirer le décret lui attribuant certains pouvoirs. Ce retrait d’article est jugé insuffisant par l’opposition qui demande le report du referendum sur la constitution. Avec d’un côté les partisans de l’opposition dirigée par le prix Nobel de la paix Mohamed El Baradei et de l’autre les partisans des frères musulmans, l’Égypte se prépare à vivre à nouveau un moment turbulent de son histoire.

Les Égyptiens ont attribué leur confiance à Morsi, une confiance qui ne mérite pas d’être trahie. Le Président égyptien devrait vite se ressaisir pour ne pas subir le même sort que son prédécesseur Moubarak. D’aucuns disent qu’il obéirait aux ordres de son parti ; pourtant il a été élu par un peuple, pas par le parti des frères musulmans. Etre président est une lourde  fonction et n’importe qui souhaitant aspirer à ces fonctions doit disposer d’une certaine indépendance sur tous les plans dans la prise de décision.

L’histoire retiendra que même si certains hommes peuvent abuser de la confiance d’une partie du peuple, ils ne pourront jamais l’abuser éternellement car le peuple finira par triompher, et le pouvoir appartient au peuple.

A mes frères Égyptiens, que Allah soit avec vous, sachez que comme le disait Thomas Sankara – paix à son âme –  une citation que vous avez compris depuis 2011, « que celui qui ne milite pas pour sa liberté ne mérite qu’on s’apitoie sur son sort », vous avez su vous faire attendre et ce n’est pas un homme qui vous arrêtera, seule la lutte libère.

Le samedi 15 décembre, deux situations se présenteront à coup sur aux Égyptiens : soit la Constitution est acceptée a une large majorité, et le président Morsi sortira renforcé de cette épreuve, soit le NON l’emportera sur le OUI et les contestations reprendront de plus belle. L’Egypte revivra une fois de plus une triste situation. Mais la prière de tous les pays du monde est celle de voir la paix renaître et pour cela, il faudrait que les pharaons ressuscitent de leurs tombes et qu’ils interviennent avec leur esprit de sagesse pour permettre que le bon vent souffle de nouveau.

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Commentaires

Pascaline
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Les Americains ne voyaient pas d'un bon l'arrivée au pouvoir d'un Frère Musulman. Mais depuis qu'il s'est octroyé un rôle de médiateur dans le conflit israelo-palestinien, leur position semble plus ambigue. Quant-à la poursuite de la contestation à l'issue du scrutin, seul l'avenir nous le dira, tant le pays demeure dans l'incertitude du jours suivant, ces dernières semaines. La lutte pour la liberté s'est faite dans la douleur, qui reste à l'esprit des égyptiens. Bel article, il est intéressant d'avoir une autre lecture de ces évènements que celui des médias "occidentaux".

Baba MAHAMAT
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Chère pascaline,
je tiens tout d'abord à te remercier pour ton commentaire qui me va droit au cœur. Je suis entièrement d'avis avec toi sur les questions africaines: il ne faut pas voir les événements comme les occidentaux le voient. Notre rôle, aussi noble qu'il soit consiste à voir les choses avec les yeux africains et d'essayer de comprendre car nous sommes les mieux placés pour savoir les origines de nos conflits et en même temps chercher à les résoudre ensemble comme au bon temps où nos ancêtres s'asseyaient sous le baobab. Je suis certain que nos frères égyptiens parviendront à trouver une solution efficace à cette mésentente qui n'a fait que duré. Ensemble et avec nos idées et points de vue, pour une Afrique prospère et solidaire!
Ton frère Baba